LAURENCE LEBOUCHER : "NOTRE ROLE DE COUREUR NE SE LIMITE PAS A APPUYER SUR LES PEDALES ."
Première "dame" Championne de France de cyclo cross, Laurence Leboucher a bien entamé l'an 2000.La spécialiste du... VTT veut poursuivre sur sa lancée en gardant en point
de mire une médaille aux Jeux Olympiques de Sydney. Par contre, les prochains Championnats du Monde de cyclo cross ne constituent pas un de ses objectifs prioritaires, même si elle se rendra aux Pays Bas avec des
ambitions. Interview.
La France Cycliste : Laurence, quel sentiment cela procure t il d'être la première femme sacrée Championne de France de cyclo cross dans l'histoire du cyclisme ?
Laurence Leboucher: "C'est toujours bien d'écrire la première ligne du palmarès d'une épreuve. Ce sera une référence pour plus tard surtout que ce titre a été décerné en l'an 2000 à
une date symbolique de l'Histoire. J'apprécie d'ailleurs le cyclo cross. Ce type d'épreuve nous offre un contact plus direct avec le public qu'en VTT. Les courses sont également plus courtes et on n'est jamais mais
à l'abri d'une chute ou d'une crevaison. Au final, cela Laisse une marge de manoeuvre assez réduite vis à vis des adversaires."
LEC.: Vous avez dédié votre titre à Pascale Ranucci. Qui était pour vous l'entraîneur national des Dames ?
LL : "Pascale était avant tout une amie. Je connais ses parents. Au dernier Roc d’Azur nous avions fait la fête ensemble. Une confiance mutuelle nous unissait. Quand on m'a
appris sa disparition, j'ai eu du mal à y ,croire. Je l'avais encore vue trois jours auparavant à la soirée des Champions de la FFC et nous nous étions donné rendez vous à Manosque pour évoquer la saison car ce soir
là on n'avait pas eu suffisamment le temps de se parler. C'est trop con !
"LE VTT, LE BMX, LA PISTE ET LA ROUTE DÉCERNAIENT UN TITRE DE CHAMPIONNE DE FRANCE LA SEULE SPÉCIALITÉ DANS LAQUELLE CELA NE SE FAISAIT PAS,
C'ÉTAIT LE CYCLO CROSS."
LEC. : A la fin du mois de janvier, vous disputerez les premiers Championnats du Monde Dames de cyclo cross Quelles y seront vos ambitions ?
LL : "On va voir. Je ne sais pas trop où je me situe par rapport à la hiérarchie internationale. Quoi qu'il en soit, je donnerai le maximum de moi même le jour J, même si je
n'ai pas consacré trop d'entraînement spécifique au cyclo-cross cet hiver. Jean Yves Plaisance m'a rapporté que les Néerlandaises préparent cet objectif depuis longtemps mais personnellement, je n'ai pas épluché les
résultats des filles lors des dernières manches de Coupe du Monde de cyclo cross. On m'a également dit que Kupfernagel, l'Allemande, marchait fort. Je ne vois pas qui elle est. Je sais que c'est une excellente
routière, mais ça mis à part... Tout peut arriver le jour des Championnats du Monde. Néanmoins, j'ai un avantage par rapport à mes adversaires. Ce Mondial ne constitue pas un de mes grands objectifs de la saison et
je vais l'aborder sans la moindre pression sur les épaules. Je n'ai rien à perdre moi..."
LEC : On dit que le circuit de Sint Michielgestel est très roulant et peu technique. Ce point vous inquiète – t- il ?
LL:"Quand ça roule fort le parcours devient forcément technique. On arrive vite sur les obstacles, les planches, et cela devient technique Quand on fait des efforts physiques à
bloc, on commet plus facilement des erreurs. Mais j'avoue que j'aurais préféré un circuit plus technique parce que physiquement je ne suis pas encore à 100 % de mes possibilités. Je ne suis pas encore au top de ma
forme."
LEC: Que pensez vous de l'arrivée des dames dans le cyclo cross ?
LL :"Je pense que cela redonne vie à la discipline. Il vaut toujours mieux ajouter une catégorie plutôt que d'en supprimer une! On a répété ces derniers hivers que le cyclo
cross était une spécialité en perte de vitesse, que le VTT lui faisait concurrence... On a pourtant pu voir à Manosque que pas mal de vététistes étaient engagés pour ces Championnats de France de cyclo-cross.
Maintenant, ce sont eux qui constituent la masse en cyclo-cross l'hiver. Cela se vérifie au niveau national comme au niveau régional. Les garçons nous ont bien accueillies, nous les filles. la plupart font du VTT et
on les côtoient déjà l'été. Ils n'ont donc pas été choqués de nous voir arriver cet hiver sur des vélos de cyclo cross, surtout que nous n'avons pas été ridicules. Tenez, un exemple, lors des championnats régionaux,
quand les commissaires m'ont arrêtée au terme de la durée de l'épreuve féminine, j'occupais la cinquième place en série Juniors. Ça signifie que nous avons notre place dans cette discipline Et puis le VTT, le BMX,
la piste et la route décernaient un titre de Championne de France, la seule spécialité dans laquelle cela ne se faisait pas, c'était le cyclo-cross.".
LEC. : Si vous devenez Championne du Monde de cyclo cross, quelle valeur acquicorderez vous à ce titre ?
LL : "Si je gagne aux Pays Bas, le maillot et le titre auront autant de valeur qu'un autre titre de Championne du Monde. J'ai été Championne du Monde de VTT et je sais ce que
ça représente. Si je gagne en cyclo cross, je savourerai plus encore la victoire que lors de mon sacre au Canada en 1998. Quand on devient Championne du Monde pour la première fois, on ne se rend pas compte de ce
qui arrive. On ne le réalise vraiment que lorsqu'on a perdu le maillot. La seule chose que j'ajouterai au sujet du rendez vous de Sint Michialegestel, c'est que ce jour là j'essayerai de faire la course la plus
tactique possible..."
LEC. : Cet hiver, vous semblez être à nouveau impériale comme en 1998. Que s’est il passé en 1999 ?
LL "Il y a eu une conjonction d'un tas de circonstances qui ont fait que je n'ai pas marché l'an passé. Premier point, j'ai coupé plus d'un mois durant l'hiver et cela ne
m'était jamais arrivé auparavant. J'ai profité de la vie, petits restaurants par là petits plats par ci, sans oublier les desserts. J'avais besoin de me lâcher après mon titre car j'avais fait le métier comme jamais
durant toute l'année. J'ai aussi changé d'équipe et il fallait que j'apprenne l'anglais, pas celui de l'école mais celui qui allait me permettre de me débrouiller au sein de ma nouvelle formation. Au mois de mars,
j'étais bien mais j'ai dû démarrer l'entraînement trop vite. J'ai obtenu des résultats avec les nationaux sur la route. Je participais aux échappées avec les coureurs de série régionale. Et puis lors de mon premier
voyage aux USA, j'ai grossi. Je n'arrivais plus à récupérer. On s'est aperçu qu'un vieux problème thyroïdien venait de se réveiller. Je continuais à m'entraîner alors que cela n'allait pas. 99 n'a pas été une saison
superbe mais je n'ai pas de regrets. On apprend plus dans la défaite que lorsque les victoires s'enchaînent. Là, j'ai tout mis à plat et j'ai dressé le bilan qui s'imposait. Seul point intéressant de cette année :
je conserve mon titre de Championne de France de cross-country alors que je n'étais pas la plus forte. Je gagne au métier. C'est peut être à mes yeux la victoire qui a le plus de valeur. Ça restera un grand souvenir
de ma carrière..."
«LES JEUX ? IL FAUT TOUT D'ABORD ETRE SELECTIONNEE JE PARS DU PRINCIPE QUE L'ON N'EST JAMAIS SÉLECTIONNÉE D'OFFICE.»
LEC : Le rendez-vous majeur de l'an 2000 est fixé à Sydney. Pensez vous déjà aux Jeux Olympiques ?
LL : "Non, je n'y pense pas pour l'instant. C'est encore loin le mois de septembre. Il ne faut pas trop s'affoler. Ça va venir au fur et à mesure. Bien évidemment, les Jeux
Olympiques sont dans un coin de ma tête mais sans pour autant que cela vire à l'obsession. Il faut tout d'abord être sélectionnée. Je pars toujours du principe que l'on n'est jamais sélectionnée d’office. Ensuite,
il faut également marcher. Si on va aux Jeux sans "marcher", cela ne sert à rien. Mon objectif est de ramener une médaille. Je pense en avoir le potentiel. J'ai déjà été Championne du Monde, Championne
d'Europe, j'ai gagné des manches de la Coupe du Monde de VTT, les Jeux Olympiques ce n'est pas plus dur que ces épreuves là L'essentiel, ce sera que tout aille bien le jour J : la tête, les jambes et le vélo. Le
circuit en plus me plaît. C'est un vrai toboggan. Ça ne cesse de monter et de descendre tout le temps comme au Mont Ste Anne. Les temps de récupération sont comptés. J'apprécie vraiment ce genre de parcours où tout
se fait à l'usure. La tactique sera également prépondérante. Il faudra se montrer malin, courir comme sur la route et posséder une bonne petite expérience."
LEC. , Imaginons que vous deveniez Championne Olympique de VTT en Australie , quels rêves sportifs pourriez vous encore nourrir pour la suite ?
LL . "Championne Olympique ou pas, je continuerai encore le cyclisme pendant quatre ans. J'ai déjà été sacrée Championne du Monde de VTT et ce n'est pas pour cela que le
Mondial ne me motive plus. Si je m'écoutais, je viserais toutes les courses, toutes les victoires. J'ai du mai à me freiner. Mais comme je commence à vieillir un peu, je suis plus sage et l'expérience me dit qu'il
faut sélectionner des pics dans une saison, ne pas tout faire à 100%. Lorsqu'on est jeune, on a du mal à se mettre dans la tète cette chose là, on aime bien gagner. J'adore toujours autant le sentiment que procure
la victoire, mais je sélectionne plus. Même si c'est encore dur pour moi."
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